20110530

Mon Nom est Personne

Ceux qui vous veulent du bien ne sont pas toujours ceux que l'on croit. J'aime bien raconter l'histoire de l'Oisillon qui Tombe du Nid, par une journée froide d'hiver. Il piaille, pour appeler au secours. Sa mère n'est pas là, mais un vache qui passait par là, alarmée par ses cris, arrive au petit trot. Elle voit le petit oisillon qui grelotte de froid sur la route. Elle soulève sa queue et fait couler une belle galette qui tombe pile sur l'oisillon.

L'oisillon est maintenant confortablement assis dans la M—jusqu'au cou—mais au chaud, il ne piaille plus. Sur ce, arrive un coyote qui avait observé toute la scène. Il renifle l'oisillon , le prend délicatement entre le pouce et l'index, enlève délicatement la M...et l'aval tout rond.

Moralité : Les amis qui vous foutent dans la M. ne vous veulent pas forcément du mal et ceux qui vous en sortent pas forcément du bien.


20110528

Aime Ton Pays


"Mon père, en m'embrassant, fut saisi d'un tressaillement et me dit : “Jean-Jacques aime ton pays". Ces paroles sont de J.-J. Rousseau et elles étaient gravées sur l'immeuble qui abritait, jadis, la Placette. Je l'ai lu souvent lorsque petit j'accompagnais ma mère faire ses courses le samedi matin. Je ne l'ai comprise que plus tard, bien plus tard.

Aime ton pays comme toi-même. Tâche difficile—pour celui qui ne le connaît pas. Je pense bien connaître le mien. Pas dans les moindres détails, mais suffisamment pour savoir de quoi il en retourne. Je l'ai parcouru: pas du nord au sud, ni d'est en ouest et, pourtant, j'ai bien tenté de le faire.

Cette photo à dix ans presque jour pour jour. Jeudi 24 mai, je photographiais avec mon jetable un couple au bord du lac de Constance. Je m'étais embarqué pour un périple à travers la Suisse à pied: 450km...

Je n'aurais finalement parcouru que la moitié 200km—ce fameux 24 mai. 

J'étais parti de Genève au petit matin. Mon ex-femme m'avait accompagné à la gare. Elle était inquiète. Il y avait de quoi. Moi, je l'aurais été à sa place. 

Cette aventure, qui n'aura duré que quatre jours, restera gravée dans ma mémoire. La traversée de Saint-Gall pleine d'entrain, la première colline et la première nuit. Nuit d'orage: pleine de peur et de pluie. Levé à l'aube—j'ai traversé les plaines de l'Appenzell encore endormies et couvertes d'une épaisse couche de brouillard. L'étonnement sur le visage des rares personnes que je croisais. La peur—aussi—sur leurs visages. Des visages fermés comme leurs volets. 

La montée vers l'Abbay d'Elsiden. Ce voyageur qui m'a accompagné pendant 10-15km. Lui: incrédule et pleins de questions. Moi: terne et triste. Il m'a quitté au sommet de la côte en me souhaitant bonne chance. L'arrivée dans ce village dont je ne connais plus le nom. Cet homme qui m'a interpelé pendant que je remplissais ma gourde. Il voulait savoir qui j'étais et ce que je faisais sur cette route seul venant de nulle part, allant vers nulle part. Je lui a dit : “je vais à Genève”. Il m'a dit : "à pied ?" zu fuss ....“Oui”, ai-je répondu...“à pied”. 

Ah, mes pieds auront fini par me trahir 100km plus loin. Mes chaussures, trop petites, manquent d'expérience aussi. La légion n'aura pas suffi. Et puis, il y eu cet épisode dans ce village à quelques encablures de Zürich: Des jeunes enfants qui jouaient dans une cour. Ils m'ont vu a travers le grillage. Ils ont couru dans ma direction et mon dit "Ein nigger, ein nigger".

"Aime ton pays". Faut-il aimer son pays et ses habitants ? Je crois que j'aime la Suisse parce que...c'est le seul pays que je connaisse bien. 

Mon périple c'est terminé dans la douleur, mais j'en garde un bon souvenir. Je suis revenu à Genève—en train—le 28 mai 2001.

Dix ans déjà


20110521

Chocolate Genius Inc

Y a t-il de la mesure dans le démesure ?  Je me pose cette question en écoutant Chocolate Genius. Chocolate tourne en boucle depuis deux semaines. Il tourne jusqu'à m'en donner des vertiges. Seul moyen d'aborder un artiste : tout lire, tout voir, tout entendre jusqu'au dégoût. Se rassasier, s'empiffrer et tout régurgiter. Je ne sais pas faire autrement. Bashung: quatre ans, Gainsbourg : quatre ans, Tricky : quatre  ans...Comment faire autrement? Je tourne en boucle. Comment, et que lire après Céline ? Après Houellebecq ? Après McCarty ? ...le vide..ou alors se retourner vers les valeurs sûres ..Cioran, Kafka. 


Heureusement, mes bonnes fées me mettent sur la piste et Paul West pointe son nez. Ah, enfin du neuf chez les vieux. Je m'enlise (sans Liz) et m'ennuie à perdre la raison. Et j'attends quoi au juste ? Ok, retour sur le Jazz. Ca me calme les nerfs, mais combien de temps?


Je ronge mon frein. Comment disait Bashung déjà ? C'est comment qu'on freine ? Comment fait on pour descendre du train qu'on l'a pris au hasard. 


Aujourd'hui, les trains ne n'arrêtent même plus dans les gares. Genthod, Céligny, c'est fini...oublié. 


Heureusement, le train "Chocolate Genius" s'est arrêté dans ma gare. Une musique coup de poing. Une musique sur le fil. C'est plein de nostalgie. J'aime.


Je ne sais pas ce que je fiche. Je perds mon temps. Des ronds de fumée. Avez-vous déjà observé des ronds de fumée ? Pleins et ronds. Au début, ils sont beaux, puis il s'amincissent, s'effilochent puis disparaissent sans laisser de trace—juste une odeur.


Revenons à lui: Chocolate Genius Inc. Rencontré au détour d'un bac, à NYC, je l'ai ramené à Paris. Ces disques sont rares. Cinq ans d'absence. Son écriture, à la dérive, m'accompagne à Genève où j'échoue finalement. 2001-2011: Dix ans entre parenthèses. Et là...miracle. Une goutte d'eau dans un océan d'amertume. Un nouvel Album, puis deux puisque dans mon errance imbécile, j'ai oublié de vérifier ce que ce bon Génius trafiquait. Deux beaux Albums, rien que ça....


Deux béquilles sonores qui m'aident à soutenir le fardeau de l'ignorance ambiante. Içi, sa rapote, sa beugle et sa dit pas grand chose. 


Nous crions dans le vide, mais rassurez-vous, personne n'entend rien. J'ai mes subterfuges, mes vieilles recettes. Il faut tenir...


..et mon seul remède c'est l'overdose sonore, visuelle , olfactive , éthylique. Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ai l'ivresse. Mes sens s'émoussent, ma vue devient trouble, ma mémoire me joue des tours. J'ai tout sacrifié dans l'autel de ma médiocrité.


Dans Start Dust Memory, Woody monte dans un train. La wagon est à moitié vide, il fait froid, l'ambiance est sinistre, les passagers semblent être tous des pauvres bougres. Mouvement de caméra sur le même quai—un autre train: très bien éclairé, joyeuse ambiance décontractée, une hôtesse sert du champagne à des convives en habit de soirée. Woody interpelle le contrôleur (le film est muet) et mime la victime, celui qui ne doit pas être dans ce train mais dans l'autre...celui d'en face.


Son train part.


Nous en sommes tous là.


Si vous écoutez la même chanson en boucle cinquante fois, vous n'êtes pas fou—simplement dérangé. Vous accrochez à ce que vous pouvez: un livre, des mots, une musique.


Tenez bon, la fin n'est plus très loin.


Merci Monsieur Cholocate Genius 



20110515

Etrange Week-end





Etrange week-end. Etrange semaine semée d'embuches. Des amis qui partent, la communion de mon fils à laquelle je n'assiste pas, et la messe du samedi soir. —Cette sainte nuit. Etrange procession de fantômes surgit du passé. Le Temple, lieu de culte, converti en lieu de fêtes...étrange que moi, qui aie fui la cérémonie d'Elias, j'assiste à ce pince-fesses. Et puis, juste avant d'arriver au Temple et d'avoir croisé ces amis du Club 58, c'est comme si j'avais fait un bon 25 ans en arrière: Viviane, Petit bou, Spider, Top, Paul,David...ils étaient tous là. J'avais du mal à dissimuler mon trouble. 


J'ai pris des numéros de téléphones, promis d'appeler et suis parti. J'ai dû me battre pour rentrer au TempleJ'en menais pas large hier soir. Mal à la maison, mal en ville...heureusement la musique "boom boom" du Milk et les coupes de champagnes de Mrs Hélène m'ont redonné confiance.


A 05h00 du mat', il n'y paraissait plus rien. Je leur ai faussé compagnie et suis rentré me coucher. Demain ....

20110514

Louis

Un couple de juif/New-yorkais déjeune dans un restaurant. Une jeune et jolie jeune femme s'avance vers eux, s'approche de l'homme ,l'embrasse langoureusement puis repart sans avoir prononcé un seul mot. La femme, interloquée, s'écrie : "Mais, qui est cette femme ?!" L'homme répond simplement : "C'est ma maîtresse". 


"Quoi ?", répond la femme, "Et bien, tant pis pour toi: je demande le divorce !" . L'homme réfléchit, un moment, puis lui dit: "Très bien, fini les manteaux de fourrures, l'appartement sur Central-Park, les vacances en Californie et ta belle voiture de sport.


A ce même moment, un couple rentre dans le restaurant et leur font un signe de la main. La femme demande : "Mais, n'est-ce pas ton ami Moshe ? Mais, qui est cette jeune femme qui est avec lui". 


"C'est sa maîtresse", lui répond le mari. "Ah ?", dit la femme, "...la notre est beaucoup mieux!" 


C'est Louis qui m'avait raconté ce gag. Je ne me souviens jamais des plaisanteries, qu'on me raconte, excepté celles de Louis parce qu'il savait les raconter. Il prenait son temps—mimait et riait à moitié—moi de le voir rire...je riais déjà. 


Je n'ai jamais bien su ce qu'il faisait au juste dans la vie. Je le voyais souvent chez lui ou dans sa maison à Claire-Fontaine, et parfois, au cinéma ou au restaurant. 


Quand ils sortaient tous les deux—Chabran et Louis—ils avaient l'air de deux inspecteurs de police—avec leurs imperméables froissés et leur barbes de trois jours. 


Louis ne rira plus comme avant, et sa va me manquer terriblement. Au revoir camarade.









20110513

Taxi Driver

Un chauffeur de taxi n'est pas un conducteur comme un autre :il a un point de vue sur tout (et surtout un point de vue). Il vous parle souvent du temps qu'il fait dehors, de la hausse des prix de l'essence, et dans certains cas, il va jusqu'à faire de la philosophie. 


J'ai vécu de très bon moments dans des taxis—tous très différents les uns des autres. Certains m'ont fait peur: comme ce chauffeur qui m'a amené, un soir, chez des amis dans le East Side. Je transportais, pour je ne sais quelle raison, un gros sac qu'il avait pris soin de placer dans le coffre du véhicule. 


Nous n'avions pas échangé beaucoup de mots durant le trajet—seulement des regards. Je me souviens qu'il tenait absolument à savoir d'où je venais. Lorsqu'après avoir réglé la course, je suis allé récupérer mon bagage, j'ai aperçu entre la roue de secours et des affaires éparpillées, dans le fond du coffre, un bras. Un bras nu de femme. J'ai regardé le chauffeur, il m'a regardé puis, il m'a tendu le sac et refermé le coffre. Je n'ai jamais rien su ni compris ce que j'avais vu. Un mannequin? Sans doute. Je l'espère. C'est seulement le regard perçant du chauffeur dont je me souviens bien. Un regard particulièrement inquiétant.

Une autre nuit, à Istanbul, un chauffeur de taxi comprenant que ma jeune fiancée et moi parlions français à cru bon de nous faire une visite éclaire d'Istanbul tout en écoutant Claude François à fond les manettes. Lorsque je dis “éclaire”, je veux parler de faire du 120km sur le périphérique d'Istanbul avec Claude qui vous hurle dans les oreilles "Alexandrie, Alexandra". Expérience unique et mémorable. Drôle et sympathique à la fois mais un brin stressante.

La conversation la plus insolite, avec un chauffeur de taxi, restera probablement celle avec un chauffeur russe qui m'amenait à JFK. Je ne sais plus au détour de quelle phrase, il me lâche qu'il était un ancien pilote militaire. Je me souviens bien de cette conversation étrange mêlée de détails techniques et d'anecdotes sur l'aviation russe, son vieillissement et les quelques problèmes qu'il avait eu lui même. Garçon brillant et plein d'esprit.

Je pourrais vous parler de ce chauffeur qui a failli nous tuer en plein Manhattan lorsque son taxi perdit une roue et que nous avons terminé notre course (du moins la mienne) dans une borne de signalisation. Ce n'est pas tous les jours que la roue de votre véhicule vous dépasse.

Mais de tous ces trajets, c'est celui d'hier soir qui restera longtemps dans ma mémoire. Ali chauffeur tunisien m'a pris à la banque. Chauffeur volubile et volontiers moqueur. Nous avons rapidement convenu d'un mode de conversation: il parlait, j'écoutais. J'ai souvent remarqué que la philosophie des chauffeurs de taxi s'essoufflait vite. Ils ne font, d'habitude, que répéter—le soir—ce qu'ils ont lu dans la presse people le jour, mais là, je sentais autre chose. Ses remarques (toujours pertinentes), ses aphorismes (toujours à propos) m'ont tout de suite touché. J'avais, comme chauffeur, un vrai philosophe. Longtemps après avoir coupé le contact et réglé ma course, nous avons échangé autour des thèmes de l'altérité, de l'intégrité et de la fragilité.

Je ne sais plus lequel de mes amis disait que les inconscients communiquaient (bien avant que les individus n'échangent le premier mot), et bien, j'en ai fait l'expérience hier. 

Cet homme lisait en moi comme dans un livre ouvert, à moins que se soit moi qui extériorise mes sentiments à l'extrême! Qu'importe...Ali restera une belle rencontre.

Comme Prince dans Lady Cab Driver, De Niro dans Taxi Driver ou Isaac de Bangole dans Une Nuit sur Terre, je crois que les chauffeurs de taxi sont des êtres particuliers.


20110508

Mon maître à Penser



Si ces gens qui pensent du mal de nous savaient ce que nous pensions d'eux !!! Je me faisais cette réflexion en revenant d'Estavayer-Le-Lac. Je me suis fait cueillir à froid par la mère de mes enfants. Une engueulade dans les règles de l'art : Quatre acteurs , Quatre points de vues. Petite joute verbale entre ennemis. Juxtaposition de termes: idées reçues contre idées préconçues. Idéaux contre idéaux. Ville contre campagne. Vieux contre jeunes.


Finalement, la vie à la campagne rend con. —J'en avais l'intuition. Le côté provincial de cette fausse ville balnéaire à quelque chose d'irritant. Je ne sais pas ce qui me fâche le plus: le manque de culture des habitants, la plouc attitude ou se côté sûr de soi et moralisateur à la fois. Quand Chessex parle de la suissitude, il sait de quoi il parle. Sincèremement...est-ce quelqu'un peut me dire ce qu'il est ressorti d'Estavayer ? Deux vaches et trois paysans.


Et dire que mon fils va grandir là-bas...entre la vierge Marie et le cul des vaches....


Mon ex-femme est bête à manger du foin. Ok, faudra faire avec. Pourvu qu'elle ne transmette pas sa mièvrerie aux enfants, moi je m'en accommode mais eux..les pauvres.


Enfin, c'est comme ça...


Je pense à Desproges et sa haine pour la bêtise..si il était encore vivant, je lui dirait de venir : à Esta. Il aurait pu étudier les spécimens de près. Comment disait-il déjà? "Certains ne sont jamais seuls, ils sont toujours accompagnés de leur connerie"